Réécriture autour des fables entre tradition et innovation : avatars et détournements - Le Curé et le Mort, La Fontaine
Exemple d'intertextualité autour d'une fable : la cigale et la fourmi avec La Fontaine, Esope, Queneau
Exemple d'intertextualité autour d'une fable : la cigale et la fourmi DÉTOURNEMENTS, PASTICHES ET PARODIES La cigale et la fourmi, La Fontaine. La cigale et les fourmis, Esope, La cimaise et la fraction, Queneau. Yak Rivais, Les contes du miroir,
Réécriture autour des fables : avatars et détournements
Réécriture autour des fables : avatars et détournements
La fable : séquence la " réécriture"
- La fable : argumenter
- Tradition et innovation
« Le Curé et le Mort »
Comme dans la fable précédente, une composition
classique avec d’abord le récit, puis une brève morale
de trois vers. Le récit proprement dit comporte trois
étapes, c’est un petit drame en trois actes :
– d’abord, du début au vers 14, la présentation des
personnages et de la situation, un convoi funèbre.
Description conduite à l’imparfait ;
– puis, passage au discours direct, entrecoupé de brefs
fragments de récit (vers 18 à 20 et 24, 25) qui introduit
le lecteur dans les pensées surprenantes d’un curé
attaché aux biens de ce monde ;
– le vers 29 amène le dénouement, le présent souligne
la rupture (« un heurt survient », v. 30) et la rapidité
du drame mis en relief par les verbes de mouvement
(« entraîne », v. 33, « suit », v. 34, « s’en vont », v. 35).
Ironiquement, le fabuliste oppose puis lie le sort de ses
deux personnages. D’abord, par la construction :
– les quatorze premiers vers alternent en effet
évocation du mort, évocation du curé en soulignant
le contraste (les deux premiers vers évoquent le mort,
les deux suivants le curé ; si la reprise de « s’en allait »
rapproche les deux personnages, la rime « tristement »/
« gaiement » les oppose) ;
– cinq vers ensuite décrivent le mort dans son
cercueil ;
– les cinq vers suivants, le curé qui égrène ses prières.
Tous deux sont dans le même carrosse (« le Pasteur
était à côté », v. 10). Avec le vers 33, les rôles s’inversent,
cette fois c’est le mort qui emmène le curé et tous deux
sont réunis dans le dernier vers, réunion soulignée
par la redondance « tous deux », « de compagnie ».
On notera le chiasme des vers 33 et 34 et la rime
« pasteur »/« seigneur », qui montre que leur destin est
indissolublement lié. « S’en vont » fait écho au verbe
« s’en allait » dans les deux premiers vers mais cette
fois le verbe a changé de sens, passant du propre au
figuré à la faveur d’un euphémisme qui désigne la mort.
La précision sur la cause de la mort du prêtre (v. 32)
apparaît comme une revanche du mort.
Une satire ironique du clergé
est présente dès le début : empressement du curé
(« au plus vite », v. 4),gaieté déplacée qui témoigne de
l’indifférence routinière
de ce dernier, prières expédiées machinalement
comme le suggère l’énumération de celles-ci (v. 12-
14) et la répétition de « et », le curé reste extérieur
à l’événement, c’est pour lui un simple travail, une
corvée « ordinaire ». L’emploi de « pasteur », terme aux
connotations bibliques (parabole du bon pasteur dans
le Nouveau Testament) s’applique ici ironiquement
au personnage. Le mot « salaire » (v. 17) désignant les
prières les désacralisent (le curé rembourse en prières le
prix payé pour l’enterrement, et la formule « on vous en
donnera », v. 16, est une manière triviale de considérer
les prières). Pour lui, le mort est un « trésor », on
relèvera à ce propos l’humour noir de la rime (« mort »/
« trésor », v. 18-19) ; de même, le verbe « couvait » est
imagé et insiste sur les précautions du curé qui sait qu’il
tient un bon filon : le mort était riche, comme le prouve
sa présence dans un carrosse. La périphrase « Messire
Jean Chouart » (v. 1, empreinte de faux respect est
très ironique par le contraste entre le titre de « Messire »
traditionnellement accordé aux gens d’église et le nom
propre aux connotations ouvertement sexuelles.
Le fabuliste démasque les pensées secrètes du pasteur
(« semblait lui dire », v. 20) en imaginant ses véritables
préoccupations, bien profanes pour un homme d’église :
tout en priant, il songe à l’argent qu’il va en retirer, puis
à l’usage épicurien qu’il va en faire (« une feuillette
du meilleur vin », v. 24-25). Satire traditionnelle de
l’homme d’église, attaché aux biens terrestres, amateur
de bonne chère… et de filles, comme le montrent les
vers 26 à 29 : progressivement les pensées du prêtre
s’égarent, l’argent de l’enterrement servira à acheter
des jupons à sa femme de chambre. Cette pensée
érotique sera pour lui la dernière, La Fontaine faisant
ironiquement mourir l’homme de Dieu sur « cette
agréable pensée » (v. 24), en décalage complet avec la
situation et le rôle qui devrait être le sien.
. Une chute soudaine ajoute au charme du récit
et renforce sa visée morale. Cette soudaineté est marquée
par le passage au présent, le hiatus disgracieux qui
suggère la collision (« un heurt », v. 30), la succession
rapide des événements (« heurt » qui renverse le « char »,
v. 30, « choc », v. 32, du cercueil qui « entraîne », v. 33,
la mort du curé), les verbes de mouvement (4 en 6
vers). Le rythme concourt à cet effet d’accélération :
octosyllabes brefs (30, 31, 34, 35), enjambement des
vers 31, 32. On note de plus les allitérations imitatives
du vers 32 avec la répétition du [k] qui suggère le choc,
du vers 33 avec la lourdeur des trois "p"
`La Fontaine, Fables,
« La Laitière et le Pot au lait » ?
La Fontaine,
« Le Curé et le Mort
Les deux fables
Les points communs sont les suivants :
– deux fables qui multiplient les effets d’écho,
parallélismes et oppositions : marche de la laitière/
marche du mort (« s’en allait tristement »), vêtements
de Perrette/vêtements du mort, chute de la jeune
paysanne/chute du curé et du mort, monologue de
Perrette/monologue du curé, cotillon de la laitière qui
marque le début de la rêverie/cotillon qui clôt celle du
curé ;
– deux situations similaires : deux personnages en
mouvement, cheminant sur la route de la vie, qui
vaquent à leurs affaires ordinaires (un marché et
un enterrement), et se mettent à rêver ; deux héros
trop pressés sans doute et qui se prennent aux jeux
de l’imagination. Dans les deux cas, on assiste au
déroulement d’une rêverie qui, progressivement,
s’éloigne du réel : du lait à la vache et au veau pour
l’une, de l’argent au cotillon pour l’autre ;
– un dénouement comparable : tous deux sont ramenés
brutalement à la réalité. Si la laitière est personnellement
responsable de sa chute, le curé est victime d’un imprévu
qui met fin à sa rêverie.
Toutefois, d’une fable à l’autre, la tonalité se fait
plus grave : Perrette n’encourt que le châtiment de son
mari, le curé trouve la mort, soulignant la vanité de nos
songes. La vie est pleine d’aléas, de caprices, changeante,
instable et rend tout calcul, toute entreprise aléatoire.
La morale de la première fable
élargit le propos en lui conférant une dimension universelle : « quel esprit ? »
(v. 30), « qui ? » (v. 31) ; toutes les conditions (« tous »,
v. 32, « chacun », v. 34, « nous », v. 36) sont concernées : les
conquérants comme Pyrrhus et Picrochole, illustrations
historiques pour le premier, littéraire pour le second, des
rêves les plus fous de domination, l’humble laitière ou
encore le curé, représentants de l’humanité commune.
La fable a valeur d’exemplum. Le fabuliste s’inclut
dans ce travers humain (reprise insistante du « je »), luimême
cède aux délices du songe, car « il n’est rien de plus
doux » (v. 34) et la rêverie console de la vie. Il se moque
de lui-même à la faveur d’une gradation amusante (v. 38
à 41), s’imaginant en monarque élu (« on m’élit ») et
aimé (« mon peuple m’aime »), devenant le souverain
de plusieurs états au vers 41 (hyperbole humoristique).
Le diptyque illustre deux modalités de l’imagination :
la laitière rêve d’enrichissement, le prêtre nourrit une
rêverie épicurienne.
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Date de dernière mise à jour : 01/07/2021