Réécriture autour des fables : avatars et détournements : La Fontaine, les obsèques de la lionne
Exemple d'intertextualité autour d'une fable : la cigale et la fourmi avec La Fontaine, Esope, Queneau
Exemple d'intertextualité autour d'une fable : la cigale et la fourmi DÉTOURNEMENTS, PASTICHES ET PARODIES La cigale et la fourmi, La Fontaine. La cigale et les fourmis, Esope, La cimaise et la fraction, Queneau. Yak Rivais, Les contes du miroir,
Un schéma classique -Les interventions du narrateur -L’attitude du roi -Les courtisans -La reprise de « peuple » traduit la colère, l’indignation de La Fontaine . Le discours du cerf
Réécriture autour des fables : avatars et détournements
La fable : séquence la " réécriture"
- La fable : argumenter
- Tradition et innovation
La Fontaine,
« Les Obsèques de la Lionne »
1. Un schéma classique
Ce schéma est le suivant :
– un récit aux étapes bien marquées, suivi d’une morale ;
– les 16 premiers vers plantent avec vivacité le décor
(octosyllabes, sauf vers 44 et 8, succession de passés
simples, nombreux enjambements) : la mort de la
lionne, l’annonce des obsèques, le chagrin de commande
de la cour ;
– le vers 17 interrompt le récit à la faveur d’un « je »
qui marque l’intervention du fabuliste. Celui-ci se lance
dans une série de considérations au présent de vérité
générale sur les travers de la cour et des courtisans ;
– le vers 24 met fin à cette digression de façon brutale
(vers 24, 25) : La Fontaine reprend son récit, mené à
la troisième personne jusqu’au vers 32 pour évoquer
l’attitude du cerf et la dénonciation dont il est l’objet
de la part d’un « flatteur » ;
– s’ensuit (vers 33 à 3 une nouvelle étape du récit, avec
la tirade du lion rapportée au discours direct : le drame
se met en place, le lion prononce la condamnation du
cerf et appelle au lynchage : les 3 octosyllabes ponctués
de 3 impératifs qui terminent son discours contribuent
à dramatiser le récit ;
– vers 39-49 : réplique, au style direct, du cerf, dans
laquelle est enchâssée la prosopopée de la lionne. On
notera l’habileté de la construction polyphonique ;
– la chute, brève (2 vers et demi), est marquée par le
retour au récit entrecoupé des cris de la cour : le cerf a
renversé la situation à son profit, l’effet de son discours
est immédiat (« à peine »).
2. Les interventions du narrateur
Elles sont nombreuses :
– adresse au lecteur pris à témoin de la servilité des
courtisans au vers 11 ;
– précision humoristique du vers 14 ;
– considération critique sur la cour menée à la première
personne des vers 16 à 23 ;
– retour au récit qui met fin à la digression (v. 24) ;
– précision pour expliquer l’attitude du cerf (v. 25 à 27) ;
– considération humoristique au présent sur la colère
royale et l’ignorance du cerf, rapprochement ironique
du lion et de Salomon, le lion ne passant pas pour un
modèle de justice comme le roi biblique !
3. L’attitude du roi
– un roi autoritaire qui convoque ses courtisans et règle
les moindres détails (vers 6 à 10) ;
– un roi au chagrin affecté et exagéré (hyperbole des
vers 12, 13), à la colère « terrible », qui affiche son
arrogance et son mépris à l’égard du « chétif hôte des
bois » (v. 33), l’adjectif rappelant la vulnérabilité du
cerf, qui a déjà eu maille à partir avec la lionne ;
– un monarque qui condamne sur une simple délation ;
– un roi cruel : allusion au châtiment à travers la
mention des « sacrés ongles » (v. 36) ;
– l’adjectif et l’antithèse « membres profanes »/« sacrés
ongles » rappellent le caractère sacré du monarque de
droit divin, allusion claire à la monarchie française ;
– un roi sensible à la flatterie qui récompense ceux qui
s’y livrent (vers 51).
4. Les courtisans
Désignés par l’adjectif indéfini « chacun » (v. 2 et
11), par le pronom personnel « on » (v. 49, 50), les
courtisans n’ont pas d’individualité propre, mais sont
fondus dans l’anonymat collectif (« les gens », v. 17 et
23, ou la répétition du mot « peuple », v. 21, qui prend
ici une nuance péjorative). Il faut attendre le vers 16
pour que La Fontaine laisse éclater son mépris à leur
égard (emploi ironique de la formule « Messieurs les
courtisans », avec une majuscule emphatique). Le
terme « pays » qui désigne la cour (v. 17) introduit une
distance géographique, La Fontaine se fait ethnographe
(La Bruyère s’en souviendra), la cour est un monde
à part, aux moeurs étranges. Le fabuliste dénonce
la servilité de ces derniers dès le vers 2 (l’adverbe
« aussitôt » souligne leur empressement obséquieux).
La charge se fait plus dure avec le vers 21 à la faveur
d’une double animalisation caractéristique de la satire :
le courtisan est traité de « caméléon », puis de « singe ».
La reprise de « peuple » traduit la colère, l’indignation
de La Fontaine.
L’accusation est double : l’homme de cour est
changeant, oscillant au gré des caprices du prince, comme
le souligne la double antithèse du vers 18 renforcée par
le chiasme, « prêts à tout, à tout indifférents ». L’idée est
bien mise encore en valeur par le rythme irrégulier et
sautillant : 1/2/3/2/4. Le courtisan change d’attitude à
vue. Le but est de plaire, il ne s’agit pas d’être soi-même
mais d’être « ce qu’il plaît au Prince ».
Autre travers : l’hypocrisie, dénoncée au vers 20
avec l’emploi du verbe « parêtre » à la fin du vers et la
rime riche, anti-sémantique « être »/« parêtre ». Nulle
sincérité chez le courtisan qui vient s’acquitter d’une
formalité (v. 4 et 5), on notera le passage à l’alexandrin
et les deux diérèses à la rime (« consolation »/
« affliction »). « On dirait » (v. 22) introduit une
comparaison puis une métaphore, au vers suivant,
qui parachèvent la métamorphose des courtisans qui
sont progressivement déshumanisés, passant de l’état
de « corps » opposé à « esprit » à celui de « simples
ressorts ». La cour devient un gigantesque mécanisme
dont le courtisan est un rouage, une pièce agie de
l’extérieur.
5. Le discours du cerf
Ce discours du cerf est habilement composé en trois
temps : un vers et demi exhortant le lion à apaiser son
chagrin en forme de « captatio benevolentiae » ; puis
l’explication, amorcée par le récit (« narratio ») d’une
vision merveilleuse introduite par une périphrase
flatteuse et noble. On notera la manière dont le cerf se
met à son avantage (« m’ » rejeté en fin de vers, faisant
de l’animal le témoin élu par la lionne), la reprise en
chiasme (« votre digne moitié »/« m’ »/« je »/« l’ ») qui
souligne le lien privilégié entre les deux protagonistes,
le cerf se prétend qualifié d’« ami » par la lionne qui le
tutoie dans les vers suivants.
Le vers 43 est à double sens : il met en valeur le
courtisan aux yeux du lion, mais est également empreint
d’une cruelle ironie (le cerf a un vieux compte à solder,
v. 26-27) et peaufine sa vengeance. À partir du vers 44,
le cerf utilisant une prosopopée, rapporte les propos de
la reine. Celle-ci apparaît satisfaite de son sort (v. 46),
comblée (puisque devenue une sainte). Le discours de la
lionne s’achève sur une coquetterie en forme de pointe.
Le cerf utilise donc un argument d’autorité pour excuser
le fait qu’il n’ait pas compati à la douleur du lion.
6. Une tonalité satirique
La satire est rendue explicite par les multiples
interventions du fabuliste, qui laisse éclater son mépris
et son indignation en recourant à la première personne
(v. 16 à 23), aux procédés caractéristiques de la satire :
animalisation des courtisans (« rugir », « peuple
caméléon », « peuple singe »), cruauté de la lionne
vers 27), lexique moral dépréciatif (« prêts à tout »,
« indifférents », « un flatteur »).
7. Les innovations de La Fontaine
On notera la grande similitude entre les deux
versions. La Fontaine pratique ici l’imitatio caractéristique
du classicisme. Mais on relèvera les nombreux
enrichissements apportés par le fabuliste ; « mon
imitation n’est pas un esclavage », dira La Fontaine :
interventions du narrateur, importance accordée au
style direct qui anime le récit (discours du roi, cris
des courtisans), anthropomorphisme, rôle accru
des courtisans qui n’apparaissent qu’une fois chez
Abstémius (au début) et sont qualifiés seulement de
« quadrupèdes ». La morale de La Fontaine infléchit la
portée de la fable : chez Abstémius, il s’agit d’un conseil
de prudence, d’une mise en garde afin de se prémunir
des puissants. Le mensonge est excusé (« honnête
excuse »). La Fontaine déplace le centre de gravité de
la morale en portant l’accent sur la satire de la figure
royale sensible à la flatterie et versatile. La satire des
courtisans occupe chez ce dernier une place majeure,
à la différence d’Abstémius qui n’y fait qu’allusion et
gomme l’intervention du « flatteur ».
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Date de dernière mise à jour : 04/07/2019